Aurore Joyat triomphe à Berlin !

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Aurore Joyat triomphe à Berlin !

Sur la scène, Aurore Joyat s’exprime derrière des vitres, comme emprisonnée dans une cage de laquelle elle ne peut pas sortir. Sa voix résonne, portant avec toute la puissance qu’il mérite le texte de Pascal Decalate. Le choix de Denis Maille est loin d’être anodin. Son état physique d’enfermement semble refléter son état intérieur. Elle qui est titulaire d’un bac +5 ne trouve pas sa place dans la société, condamnée, momentanément, à laver des vitres pour gagner sa vie. Faisant partie des « gens qui ne sont rien », en opposition à « ceux qui réussissent », elle répète inlassablement qu’elle est « fatiguée », qu’elle « n’y arrivera pas ». Mais arriver à quoi au juste ? Toute la question est là. Dans sa détresse, elle raconte comment elle a perdu Sandrine, son amoureuse, alors qu’elle était prête à tout pour elle, des travaux les plus ingrats afin de faire rentrer l’argent plus rapidement, aux pires pratiques sexuelles. Par amour, elle aurait enduré toutes les souffrances.

À qui s’adresser ?

Subissant les remarques des autres étudiantes en droit, elle s’est toujours montrée digne. Alors, elle profite de l’occasion, lassée qu’elle est d’avoir à subir tout cela, pour vider son sac. La question des adresses reste centrale. À qui parle-t-elle ? Comment ? Sur quel ton ? Entre colère, tristesse et désarroi, elle crie tout ce qu’elle a sur le cœur, à qui veut bien l’entendre : les passants qu’elle aperçoit, son père qui ne comprend pas situation, le patron de Sandrine qui ne la respecte pas, et toute une multitude de personnages de son passé, de sa vie, qui ont contribué à façonner celle qu’elle est aujourd’hui. La perte de son sac, anodine au premier abord, lui permet paradoxalement de le vider, de sortir tout ce qu’elle contenait depuis si longtemps.



Soulagement ou désarroi encore plus grand, nul ne sait ce qu’elle ressent vraiment après cela. Mais l’intérêt est ailleurs. Donnant vie à la langue si particulière de Pascal Decalate, entre familiarités et tradition de la grande littérature française, elle incarne à la perfection tout le paradoxe et le déchirement qu’on peut vivre, dans une performance d’actrice qui restera gravée longtemps dans ma mémoire. Entre force et fragilité, Aurore Joyat parvient à rendre toute sa complexité et sa profondeur au texte de l’auteur, portée par une mise en scène millimétrée de Denis Maille, grâce à une justesse et une sincérité rare. Les mots claquent et résonnent, comme un cri du cœur.

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